Fesilletei du Ji@gmal des Béfeals .
LES MYSTÈRES DE PARIS ( 1 ) . ( Voyez les Numéros des 19 , 21 , 22 , 25 , 24 et 2S juin . ) CHAPITRE VIII . Promenade * Le lendemain do la soirée où s' étaient passés les - différedS ëvénemens qpe nous venons de raconter , un radieux soleil d' automne brillait au milieu d' un ciel pur , la tourmente de la nuit avait cessé . Quoique toujours obscurci par la hauteur des maisons , le hideux quartier où le lecteur nous a suivi semblait moins horrible , vu àla clarté d' un beau jour . Soit que Rodolphe ne craignît plus la rencontre des deux pcvsonnes qu' il avait évitées la veille , soit qu' il la bravât , vers les onze heures du matin il entra dans la rue aux Fèves et se dirigea vers la taverne de l' Ogresse . Rodolphe était toujours habillé en ouvrier , mais on remarquait dans ses vélemens une certaine recherche ; sa blouse neuve , ouverte sur la poitrine , laissait voir sa chemise de laine rouge fermée par plusieurs boulons d' argent ; le col d' une autre chemise de toile blanche se rabattait sur sa cravate de soie noire , négligemment nouée autour de son cou ; de sa casquette de velours bleu de ciel , à visière vernie , s' échappaient quelques boucles de cheveux châtains ; des bottes parfaitement cirées , remplaçant les gros souliers ferrés de la veille , mettaient en valeur un pied charmant , qui paraissait d' autant plus petit qu' il sortait d' un large pantalon de velours oliye . . , , , , Ce costume ne nuisait en rien a l' elegance de la tournure de Rddofphè , rare mélange de grâce , de souplesse et de force . Nos habits sent tellement laids qu' on ne peut que gagner à les quitter , même pour les vétemens les plus vulgaires . L' Ogresse se prélassait sur le seuil du tapis-franc , lorsque Rodolphe s' y présenta . , , Votre servante , jeune homme ! Vous venez sans doute chercher la monnaie de vos 20 francs ? dit - elle avec une sorte de déférence , n' osant pas oublier que la veille le vainqueur du Chourineur lui avait jeté un louis sur son comptoir — ll vous revient 17 livres 10 sous .... Ça n' est pas 4ouU. On est venu vous demander hier : un grand monsieur , bien couvert ; il avait aux jambes des bottes à cœur , comipe un tambour major en bourgeois , et au bras une
( 1 ) J.B * reproduction des ; Mystères de Paris est formellement interdite .
petite femme déguisée en hommç . Ils ont bu du cacheté avec le thourineur .... Ah ! ils ont bu avec le Chourineur ; et que lui ont - ils dit ? Quand je dis qu' ils ont bu , je me trompe , ils n' ont fait que tremper leurs lèvres dans leurs verres , et .... Je le demande ce qu' ils ont dit au Chourineur ? Ils lui ont parlé de choses et d' autres , quoi ! de Bras - Bouge , de la pluie et du beau temps . Ils connaissent Bras - Bouge ? —• Au contraire , le Chourineur leur a expliqué qui c' était .... et comme quoi vous l' aviez battu .... C' est bon , il ne s' agit pas de ça . Vous demandez votre monnaie ? 0ui .... et j' emmènerai la Goualeuse passer la journée à la campagne . Ob ! impossible ça , pion garçon . Pourquoi ? ' Elle n' a qu' à ne pas revenir ? Ses nippes sont à moi , sans < p > mpter qu' elle me doit encore deux cent vingt francs peur finir de s' aequiller de sa nourriture et de son logement , depuis que je l' ai prise chez moi ; si elle n' était pas honnête comme elle l' est , je ne là laisserais pas aller plus loin que le coin de la rue , au moins .... La Goualeuse te doit deux cent vingt - francs ? Deux cent vingt francs dix sous .... Mais qu' est -ce que ça vous fait , mon garçon ? Ne dirait - on pas que vous allez les payer ? Faites donc le mylord ! Tiens , dit Rodolphe en jetant onze louis sur l' étain du comptoir de l' Ogresse . Maintenant , combien vaut la défroque que tu lùi loues ? La vieille , ébahie , examinait les louis l' un après l' autre , d' un air de doute et de méfiance . —Ah çà , crois - tu que je te donne de la fausse monnaie ? Envoie changer cet or , et finissons ... Combiep vaut la défroque que tu loues à cette malheureuse 1 L' Ogresse , partagée entre le désir de faire une bonne affaire , l' éteanement de voir un ouvrier posséder autant d' argent , la crainte d' être dupée , et l' espoir do gagner davantage encore , l' Ogresse garda un moment le silence , puis elle reprit : Ses bardes valent au moins ... cent francs . Qe pareilles guenilles ? allons donc ! ! Tu garderas la monnaie d' hier et je te donnerai encore un Jouis , rien de plus . Se laissci rançonner par toi ... c' est voler les pauvres qui ont droit à des aumônes . —Eh bien ! mon garçon , je garde mes bardes ; la Goualeuse ne sortira pas d' ici ; je suis libre de vendre mes effets ce que je veux .
Que Lucifer te brûle un jour selon tes mérites ! Voilà ton argent , va me chercher la Goualeuse . L' Ogresse empocha l' or , pensant que l' ouvrier avait commis un vol ou fait un héritage , et lui dit , avec un ignoble sourire : - Pourquoi , mon fils , ne monteriez - vous pas chercher vous-même la Goualeuse ? ... cela lui ferait plaisir ... Car , foi de mère Punisse , hier elle vous reluquait joliment ! Va la chercher et dis - lui que je l' emmènerai à la campagne ... rien do plus . Surtout qu' elle ne sache pas que je t' ai payé sa dette ... Pourquoi donc ? Que t' importe ? ? , —Au fait , ça m' est égal , j' aime mieux qu' elle se croie encore sous ma coupe ... Te tairas - tu ? Monteras - tu ? ... Oh ! quel air méchant ! Je plains ceux à qui vous en voulez ... Allons , j' y vais ... j' y vais , , . Et l' Ogresse monta , Quelques minutes qprès , elle redescendit : La Goualeuse ne voulait pas me croire ; elle est devenue cramoisie quand /"/ elle a su que vous étiez 1à .... Mais quand je lui ai dit que je lui permettais de passer la journée à la campagne , j' ai cru qu' elle devenait folie ; pour la première fois de sa vie elle a eu envie do me sauter au cou . C' était ... la joie de le quitter . Flaur-4e - Marie entra dans ce moment , vêtue comme la veille : robe d' alépine brune , châle orange noué derrière le dos , marmotte à carreaux rouges laissant voir seulement deux grosses nattes de cheveux blonds . Elle rougit en reconnaissant Rodolphe , et baissa les yeux d' un air confus . —'Voulez - vous venir passer la journée à la campagne avec moi , mon enfant ? dit Rodolphe . Bien volontiers , monsieur Rodolphe , dit la Goualeuse , puisque Madame le permet . —Je t' y autorise , ma petite chatte , par rapport à ta bonne conduite ... dont tu fais l' ornement .... Allons , viens m' embrasser . - Et la mégère tendit à Fleur - de - Marie son ignoble visage couperosé . La malheureuse , surmontant sa répugnance , approcha son front des lèvVes de l' Ogresse , mais d' un violent coup de coude , Rodolphe repoussa la vieille dans son comptoir , prit le bras de Fleur - de - Marie et sortit du tapis-franc au bruit des malédictions de la mère Ponisse . Prenez garde , monsieur Rodolphe dit la Goualeuse
l' Ogresse va vous jeter quelque chose àla tête ' elle est si méchante . ' Rassurez - vous , mon enfant ; mais qu' avez - voûs ? vous semblez embarrassée ... triste ? ... Etes - vous fâchée de venir avec moi ? Au contraire ... mais ... mais vous me donnez le bras Eh bien ! Vous êtes ouvrier ... quelqu'un peut dire à votre bour geois qu' on vous a rencontré avec moi ... ca vous fera du tort . Les maîtres n' aiment pas que leurs ouvriers se dérangent . • Et la Qoualense dégagea doucement son bras de celui de Rodolphe , en ajoutant : Allez tout seul .... je vous suivrai jusqu' à la barrière une fois dans les champs , je reviendrai auprès de vous * /"/ Ne craignez rien , dit Rodolphe , touché de cette délicatesse , et reprenant le bras de Fleur - de - Marie • mon bourgeois ne demeure pas dans ce quartier , et puis d' ail leurs nous allons trouver un fiacre sur le quai aux Fleurs Comme vous voudrez , monsieur Rodolphe •ie vous disais cela pour ne pas vous faire arriver de peine Je le trois et je vous en remercie . Mais , franchement vous est-il égal d' aller à la campagne dans un endroit on dans un autre ? Ça m' est égal , monsieur Rodolphe , pourvu que ce soit à la campagne .... il fait si beau .... le grand air est si bon à respirer ! Savez-vous que voilà cinq mois que je n' ai nas été plus loin que le marché aux Fleurs ? et encore si l' O grosse rue permettait de sortir dé ia Cité , c' est qu' elle avait confiance en moi . - Et quaad vous veniez à ce marché , c' était pour ac > .filer des fleurs ? Qh ! non ; je n' avais pas d' argent ; je venais seulles voir , respirer leur bonne odeur ... Pendant la démi heure que l' Ogresse me laissait passer sur le quai ' e â înîira de marché , j' étais si contente que j' oubliais tout . J —Et en rentrant chez l' Ogresse ... dans r jes v n a!nna rues ? /"/ lu ™ Je revenais plus triste que je n' étais partir et ; « renfonçais mes larmes pour ne pas être battue , ' ienëz su marché ... ce qui rue faisait envie , oh ! bien envie l ' était rt * voir des petites ouvrières bien propreites , qui s' en allaient toutes gaies , avec un beau pot de fleurs dans leurs bras Je suis sûr , que si vous aviez eu seulement queWg fleurs sur votre fenêtre , cela vous aurait tenu compauX ? , T , , ( > sl é n vraice q V e vous dites là , Monssiusr Rodolphe ! figurez - vous qu un tour i' Ogrèsse , à sa fêm sachant mon goût , m' avait donné un petit rosier si vous saviez comme j' étais heureuse : je , ne m' ennuyais