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LES MYSTÈRES DE PARIS , t 1 ) CHAP' TRE 111 . Histoire « Se la © oasaïeaise . Commençons d' abord par le commencement , dit lô Chourineur*. . Oui , ... tes parens ? reprit Rodo . F ul - . Je ne les connais pas , dit Fleur- .. e - Marie . AU ! bah ! fit le Chourineur . . mm » nr . _ _ Ni vus , ni connus ; née sous un chou ' ? comme dit * aux enfans . ■ _ _ _ Tiens , c' est drôle , la Goualeuse 1 ..... nous t omms de la même famille Toi aussi , Chourineur ? ... Orphelin du pavé de Paris , tout comme toi , ma Et qui est -ce qui t' a élevée , la Goualeuse ? dem . qQQe sais pas .... Du plus loin qu' il m' en souvient,- l' avais bien , je crois , sept à huit ans . J' étais avec une vieilleborgnesse qu' on appelait la Chouette .. : . : parce qu' elle avait un nez crochu , un œil vert tout rond , et qu' elle ressemblait à une chouette qui aurait un œil crevé . Ah ! ... ah ! ... ah ! .... Je la vois d' ici , la Chouette ! s' écria ie Chourineur en riant . _ La Borgnesse , reprit Fleur - de - Marie , me faisait -vendre le soir du sucre d' orge sur le Pont - Neuf , manière de demander l' aumône .... Quand je n' apportais pas au moins dix sous en rentrant , la Chouette me battait au lieu de me donner à souper . _ Je comprends , ma fille ,— dit le Chourineur ,— un coup fie pied en guis # de pain , ave des calottes pour mettre dessus . Oh ! mon Dieu , 0ui .... Et tu es sûre que cette femme n était pa3 ta mère ! demanda Rodolphe . „ j' en suis bien , sûre , la Chouette me la assez _ reproché d' être sans père ni mère ; elle me disait toujours nu' elle m' avait ramassée dans la rue . Ainsi —reprit le Chourineur , —tu avais une danse pour fricot quand tu ne faisais pas une recette de dix sous ? _ _ ùn verre d' eau par là-dessus , et j' allais grelotter toute la nuit dans une paillasse étendue par terre et où la Borsrnesse avait fait un trou pour me fourrer ... Tenez , on croit comme ça que la paille est chaude , eh bien ! on se trompe . La plume de Beauce ( 2 ) ! ! s' écria le Chourineur , tu
( 1 ) La reproduction des Mystères de Paris est formellement Interdite . ( 2 ) La paille .
as raison . , ma fille , c' est une -vraie gelée ; le fumier vaudrait cent fois mieux ! Mais en fait sa tôle , on dit : C' est canaille ..... ça a été porté ! Cette plaisanterie fit sourire Fleur - de - Marie , qui continua :
Le lendemain matin la Borgnesse me donnait la môme ration pour déjeuner que pour souper * et je m' en allais à Montfaucou chercher des vers de terre pour amorcer le poisson ; car dans , le jour la Chouette tenait sa boutique de lignes à pôcher sous le pont Notre - Dame ... Pour un enfant de sept ans qui meurt de faim et de froid , il y a loin , allez ... de la rue de la Mortellerie à Montfaucon . L' exercice t' a fait pousser droite commua jonc , ma fille ; faut pas te plaindre de ça , dit le Chourineur , battant le briquet pour allumer sa pipe . Enfin je . revenais érointée avec un plein panier de vers . Alors , sur le midi , la Chouette me donnait un bon morceau de pain , et je ne laissais pas la mie , je t' en réponds . De ne pas manger , ça t' a rendu la taille fine comme une guêpe , ma fille ; faut' pas te plaindre de ça , dit le Chourineur , en aspirant bruyamment quelques bouffées de tabac . Mais qu' est -ce que vous avez donc , camarade , noîît je veux dire maître Rodolphe ? vous avez l' air tout , ' hose , .. Est -ce parce que c'te jeunesse a eu de la misère ? i-'-eas , .. nous en avons tous eu de la misère ! Qh ! je te défie bien d' avoir été aussi malheureux que ~. r -lurinéur , dit Fleur - de - Marie . lu -9 Goualeuse ! ... Mais figure - toi donc , ma fine , -M ? 1 / ' -«me une reine auprès de moi ! Au moins , , que t étais cou p , couchais sur de la paille et tu quand tu étais pe .. Moi , je couchais les bonnes nuits dans mangeais du pain ... ... /"/ * » by , en vrai goùépeur ( vagabond ) , les fours a plâtre de ÇUu feuilles de chou que je raj et je me restaurais avec u. je plus souvent , comme j massais au coin des bornes ; m . f ours plâtre de Cliciry , il y avait trop loin pour aller aux -njjes , je me couchais vu que la rue cassait les jdi . j' ijjygj » j' avais des sous' les grosses pierres du Louvre t. J draps blancs .... quand il tombait de la neig . * „ „ Dau _ Tiens , un homme , c' est bien plus dur ; m j' étais vre petite filie , dit Fieur - de - Marie ; avee grosse comme une mauviette . —Tu te rappelles ça , toi ? —Je crois bien ; quand la Chouette me battait , je tombais toujours du premier coup ; alors elle se mettait a trépigner sur moi en criant : « Cette petite gueuse - la , elle n a pas pour deux liards de force ; ça ne peut pas seulement supporter deux calottes » Et puis ' elle m' appelait la Pegriotte ; j' ai pas eu d' autre nom , c' a été mou baptême . C' est comme moi , j' ai eu le baptême des chiens perdus ; on m' appelait chose ... machine ... ou l' Albinos . C' estetorinant comme nous nous ressemblons , ma iule ! ait ie Chourineur .
C' est vrai , — dit Fleur - de - Marie qni s' adressait presque toujours à cet homme ; ressentant malgré elle une sorte | de honte en présence de Rodolphe , elle osait à peine lever i les yeux , quoiqu' il parût appartenir à l' espèce de gens avec lesquels elle vivait habituellement . Et quand tu avais été chercher des vers pour la Chouette , qu' est -ce que tu faisais ? demanda le Chourineur . . ■ - . La Borgnesse m' envoyait mendier à l' entour d' elle jusqu' à la nuit ; car le soir elle allait faire de la friture sur le Pont - Neuf . Dame ! à cette heure - là , mon morceau de pain était bien loin ; mais si j' avais le malheur de demander à manger àla Chouette , elle me battait en ma disant : Fais dix sous d' aumône , Pégriotfc , et tu auras à souper ! Alors moi , cptnme j' avais bien faim , et qu' eile me faisait mal , je pleurais toutes les larmes da mon corps . La Borgnesse me passait mon petit éventairo de sucre d orge au cou . , et elle me . plantait sur le Pont - Neuf . Comme je sanglottais ! et que je grelottais de froid et de faim ! ... Toujours , comme inoi , ma fille , dit le Chourineur en interrompant la Gouaieuse ; on ne croirait pas ça .... mais la faim fait grelotter autant que le froid . enfin , je restais sur le Pont - Neuf jusqu' à onze heures du soir , ma boutique de sucre d' orge au cou et pleurant bien fort ; de me voir pleurer souvent ça touchait les passans et quelquefois on me donnait jusquà dix , jusquà quinze sous , que je rendais à la Chouette . Fameuse soirée pour une mauviette ! . Mais , voilà - t - il pas que la Borgnesse , qui voyait ça ... l)'un œil , dit le Chourineur en riant . D' un œil , si tu veux , puisqu' elle n' en avait qu un ; ne veiià - t - il pas que la Borgnesse prend le pli de me donner toujours des coups , avant de me mettre en faction sur le Pont - Neuf , afin de me faire pleurer devant les passans et d' augmenter ainsi ma recette . Ça n' était pas déjà si bête ! . Oui , tu crois ça , toi , Chourineur ? J ai fini par m endurcir aux coups ; je voyais que la Chouette rageait quand je ne pleurais pas ; alors , pour me revenger d' elle , plus elle me faisait de mal , plus je riais , et le soir , au heu de sanglotter en vendant mes sucres d' orge , jo chantais comme une alouette , quoique je n' en eusse guère envie de chanter . „ , , . . .. Dis donc des sucres d' orge ? c est ça qui devait < e faire envie , ma pauvre Goualeuso ? . i ' Oh ! je crois bien , Chourineur ! mais je n' en avais jamais t*6ûté ; c' était mon ambition et c' est cette ambitimi - là nt' i m' a perdue , lu vas voir comment . Un jour , en revenant de mes vers , des gamins m' avaient battue et vole mon panier . Je rentre , je savais ce qui m' attendait ; je reçois ma paye et pas de pain . Le soir , avant d aller au pont , la Borgnesse , furieuse de ce que je n' avais pas etrenne a veille , au lieu de me donner des coups comme d habituât ' ,
pour me mettre en train de pleurer , me martyrise jusqu' au sang en m' arrachant des cheveux .du côté des tempes où c' est le plus sensible . Tonnerre 1 ça , c' est trop fort ! s' écria le bandit en frappant du poing sur la table et en fronçant les sourcils . Battre un enfant , bon mais le martyriser c' est trop fort ! Rodolphe avait attentivement écouté le récit de Fleur - de- Marie ; il regarda leCbourineur avec étonuemeat . Cet éclair de sensibilité le surprenait . Qu' as - tu donc , Chourineur ? lui dit - il . Ce quo j' ai ? ce que j' ai ? comment ! ça ne vous fait rien de rien , à vous ? Ce monstre de Chouette qui martyrise cet enfant ! Vous êtes donc aussi dur que vos poings ? Conlinue , ma fille , dit Rodolphe à Fleur - de - Marie , sans répondre à l' interpellation du Chourineur . Je vous disais donc que la Chouette me martyrisait pour me faire pleurer f moi ; ça me butte ; pour la faire endéver , je me mets à rire , et je m' en vus au pont avec mes sucres d' orge . La Borgnesso était à sa poêle ... De temps en temps elle me /"/ montrait le poing . Alors , au lieu de pleurer , je chantais plus fort ; avec tout ça , j' avais une faim , une faim î Depuis six mois que je portais des sucres d' orge ' je n' en avais , jamais goûté un .... Ma foi 1 ce jour - là je n' y liens pas .... Autant par faim que pour faire enrager la Chouette , je prends un sucre d' orge , et je le mange . ' Bravo , ma fille ! J' en mange deux . Bravo 1 Vive la Charte 11 ! Dame ! je trouvais ça bon ; mais ne voilà - t - il pas une marchande d' oranges qui se met à crier à la Borgnesse : « Dis donc , la Chouette ... , Pégriotte mange ton fonds ! » Oh ! tonnerre ! ça va chauffer ça va chauffer , dit le Chourineur , singulièrement intéressé . Pauvre petit rat ! quel tremblement quand la Chouette s' est aperçue de ça , hein ! . Comment t' es - tu tirée de là , ma pauvre Goualeuse ? dit Rodolphe , aussi intéressé que le Chourineur . Ah , dame ! c' a été dur ; seulement ce qu' il y avait de drôle , ajouta Fieur - de - Marie en riant , c' est quo la Borgnesse , tout en enrageant de me voir manger ses sucres d' orge , ne pouvait pas quitter sa poêle , car sa friture était bouillante . Ah ! ... ah ! ... ah ! ... c' est vrai . En voilà une position difficile ! s' écria le Chourineur en riant ' aux éclats . Après avoir partagé l' hilarité du bandit , Fleur - de Mario reprit : Ma foi ! moi , en pensant aux coups qui m' attendaient , je me dis ; Tant pis ! je ne serai pas plus battue pour trois que pour un . Je prends un troisième bâton , et , avant de le manger , comme la Chouette me menaçait encore de loin avec sa grande fourchette de fer ... , aussi vrai que voilà un ' 3 assiette , je lui montre le.sucre d' orge , et je le croqnj à son nez .