JTeuilleton du Journal des Débats .
LES MYSTÈRES DE PARIS . ( 1 ) CHAPITRE IV . Histoire du Cliouriaeur . Le lecteur n' a pas oublié que deux des hôtes du tapisfranc étaient attentivement observés par un troisième pejr- Ronnae , récemment arrivé dans le cabaret . . L' un de ces deux hommes , on l' a dit , por ait un bonnet erec cachait toujours sa main gauche , et avait instamment demandé à l' Ogresse si le Maître - d' Ecole n' était pas encore nt le récit de la Goualeuse , qu' ils n « -pouralent entendre ces deux hommes s' étaient plusieurs fois parle à voix basse en regardant du côté de la porte , avec anxiété . Celui oui tétait un bonnet grèc dit à son camarade : .ff * y » a » /"/ onr ™ « /"/ e le via m ne l' ait na' S escarpe a la capatmt j 3 ) . . L ( ç a serait flambant pour nous qui avons nourri le vlnu deux hommes était Le nouveau venu y. leurs dernières paroles placé trop loin à eux I » - plusieurs fois trèsadroiarnvasseat jusqu' à lui , après avoi p dans le fond de tement consulté un piïtit paP' ® ? remaraues , se leva asttSffiJJwafiis : * a cbat noir sor ™ lsDb ° doi . , mère rontai , j. v.iis •veille à mon broc et à mon assiette . ••• car il de l f SoTAra C n\ e ufli ; , mon homme , - ait la mère Ponge , si ton assiette est vide et ton broc aussi , on a y tou se prit à rire de la plaisanterie de l' Ogresse , et disparut sans que son départ fût remarqué , Au moment ou cet homme sortit , Rodolpbe apercut dans la ruo le charbonnier à figure noire et à 1 aille cotos gt ile dont nous avons parlé ; avant que la porte fût refer-
d ) La reproduction de ? UysCeres de Paris est formellement iBl ® Ne -vient pas . ( 3 ) Le camarade . ( 4 ) Ne l' ait pas assasilné pour loi voler sa part du butin . ( 5 ) Qui a vous préparé , ménagé le vol .
mée , Rodolphe eut le temps de manifester par un geste d' impatience combien lui était importune l' espèce de surveillance protectrice du charbonnier ; mais ce dernier , en tenant compte de la contrariété de Rodolphe , ne quitta pas les abords du tapis - franc- Malgré - le verre d' eaurde - vie quelle avait bu , la Qoualeuse ne retrouvait pas sa gaité ; sous l' influence de cet excitant , sa physionomie devenait au contraire de plus en pïus triste : le dos appuyé au mur , la tete baissée sur sa Doitrine , ses grands yeux bleus errant machinalement autour d' elle , la malheureuse crégtqre semblait accablee des plus sombres pensées . .... , Deux*ou trois fois Fleur - de - Mane , rencontrant le regard fixe de Rodolphe , avait détourné la vue ; elle ne se rendait pas compte de l' impression que lui causait cet inconnu Gênée , oppressée par sa présence , elle se reprochait de se montrer si neu reconnaissante envers celui qui 1 avait arrachée des mains du Chourineur ; elle regrettait presque d' avoir si sincèrement racouté sa vie aevarit Rodolphe . Le Chourineur , au contraire , se trouvait fort en gajtc , à lui seul il avait dévoré Varlequin ; le vin et laau - de - uo lt rendaient trps communicatif ; la honte d avoir trouve son maître comme il disait , s' était effacee devant les genereux procédés de Rodolphe , et il lui reconnaissait daiUeius une si grande supériorité physique , que son humiliâtlop avait fait place à un sentiment qui tenait de 1 admiration , de la crainte et du respect . . Celte absence de rancune , la sauvage franchise a\ ec laauelle il avouait avoir tué fit avoir été justement puni ; 1 orteil féroce avec lequel il se défendait - d avoir jamais volé , prouvaient au moins que , malgré ses crimes , le Chourineur n' était pas un être complètement endurci . Cette nuance n' avait pas échappé à la sagacité de Rodol- Dhe ; il attendait curieusement le récit du chourineur . L' ambition de 1 homme eçt si insatiable , si bizarre .dans ses prétentions infinies , que Rodolphe désirait 1 arrivée du Maître - d' Ecole , de ce brigand terrible qu il venait presque de détrôner . Il engagea donc le Chourineur à tromper son impatience par ) â parration de ses aventures . Allons ... mon garçon , lui dit - il , nous t écoutons . Le Chourineur vida son verre et commença ainsi : Toi ma pauvre Goualeuse , t' as au moins été recueillie nar la Chouette que L' enfer confonde ! tu as eu un gîte insmi' au moment ou l' on t' a emprisonnée comme vagabonde ... Moi je m ° mo ràppel|o pg / d' avoir couché dans ce qui /"/ appelle un lit avant dix-neuf ans , ... bel gge ou je me suis fait troupier . . . . Tu as servi , Chourineur ? dit Rodolphe . Trois ans ; mais ca viendra tout à l' heure . Lés pierres du Louvre , les fours à plâtre de Clichy et les carrières de Mont rouge , veilâles hôtels de ma jeunesse . Vous voyez .. , , j' avais maison à Paris et à la campagne , rien que ça , Eh ! quel métier faisais - tu ?
■ rrrMa foi , mon maître ... j' ai comme un brouillard d' avoir gmiéfé ( 1 ) dans mon enfance avec un vieux chiffonnier qui m' assommait de coups de croc . Faut que ça soit vrai , car je n' ai jamais pu rencontrer un de ces cupidons à carquois d' osier sans avoir envie de tomber dessus ; preuve qu' ils avaient du me battre dans mon enfance . Mon premier métier a été d' aider les équarrisséurs à égorger les chevaux à Montfaucon .... J' avais dix ou douze ans . Quand j' ai commencé à chouriner ces pauvres vieilles bêtes , ça me faisait une espèce d' effet ; au bout d' un mois „ je n' y pensais plus ; au contraire , je prenais goût à mon état . Il n' y avait personne pour avoir des couteaux affilés et aiguisés çomrne les miens Ça donnait envie de s' eq servir ; quoi ! .. , . Quand j' avais égorgé mes bêtes , on me jetait pour ma peine un morceau dé la culotte d' un cheval mort de maladie , car ceux qu' on abattait se vendaient aux fricoteurs du quartier de l' Ecole de Médecine , qui en faisaient du bœuf , dq mouton , du veau , du gibier , au goût de ? personnes ... Ah ! maïs c' est nqe lorsque j' avais^attrapé mon lopin de chair dè ' cheval , le roi n' était pas mon maître , au moins 1 Je m' ehsauvais . avec ça dans mon four à . plâtre , comme un loup dans sa ' tanière , et là , avec la permission des cljaui fourniers , je faisais sur les charbons une grillade soignée . Quand les chaufourniers ne travaillaient pas , j' allais ramasser du bois sec à ' ftqm' ainville , jp battais lé briquet , et je . faisais mon rôti au coin d' un des murs du charnier . Dame 1 c' était saignant et presque cru : mais do cette manière - là , je ne mangeais pas toujours la même chose . Et ton nom ? comment t' appelait - on ? dit ïjodoiphe . J' avaip les cheveux encore plus coulçur de filasse que maintenant , le ' sang me portait toujours aux yeux ; eu é«*ard à ca , on m' appelait l' Albinos . ( Les Albinos sont les lapins blancs des hommes , et ils oint les yen * çauges ) , ajouta gravement le Çhourineuy , pp manière de parenthèse physiologique . Eh 1 tes parens ? ta famille ? Mes parens ? Logés au même numéro que ceux de la Goualeuse ... Lieu de ma naissance ? Le premier coin de n' importe quelle rue , la borne à gauche ou à droité , en despepdtjnt OU ep remontant ver ? le ruisseau . Tu as maudit ton père et ta mère de t' avoir abandonné ? • , , , ~ —Ça m' aurait fait une belle jambe ! ... Mais c' est égal , ils m' ont joué une mauvaise farce en me mettant au monde . . Je ne m' en plaindrais pas , si encore ils m' avaient fait comme le meg des megs ( 3 ) devrait faire les gueux , c'est-à-dire sans frpid , ' ni faim , ni soif ; ça ne lui coûterait rien , et ça ne coûterait pas tant aux gueux d' être honnêtes .
■ ( 1 ) Vagabondé . * ( 2 ) Dieu . N' est - il pas étrange et significatif que le nom de Dieu 8î relrou\e jusque dans celle langue corrompue !
—Tu as eu faim , tu •as eu froid , et tu n' as pas Ydé E Chourineur ? Non ! et pourtant j' ai eu bien de la misère , aljez ... J' ai fait la tortue ( 1 ) quelquefois pendant deux jours , e_t plus souvent qu' à mon tour ... Eh bien ! je n' ai pas volé . /"/ Par peur de la prison ? Oh ! c'te farce 1 dit le Chourineur en haussant les épaules et riant aux éclats . J' aurais donc p - as vo ié du pain par peur d' avoir du pain ? , ... Honnête , je crev a j s , j e f a j m ■ voleur , on m' aurait nourri en prison ' ... No ' a ' ; e n ' a i pas' volé parce que parce que ..... enfin parcj que ca n r est pas dans mon idée de voler ... Cette réponse véritablement belle . ; et dont le Chourineur ne comprit pas la portés , étonna ' profondément Rodolphe . 11 sentit que Jç pauvre qui rest' ait honnête au milieu des plqs cruelles privations était doublement respectable , puisque la punition du criçae pouvait devenir pour lui une ressource as' surép , Rodolphe tendit la main à ce malheureux sauvage de 1 » civilisation , que la misère n' avait pas absolument perdu . He Chourineur regarda son amphitryon avec étonnement , presque avec respect ; à peine il osa toucher la main qu' on lui offrait . Il pressentit qu' entre lui et Rodolphe il y avait un abîme , Bien , bien l lui dit Rodolphe , —tu as encore du cœur et de l' honneur ....
Ma foi ! je n' en sais rien , dit le Chourfneur tout ému ; mais ce que vous me dites 1à ... voyez - v0u5 ...... jamais je n' avais rien senti de pareil Ce qu' il yp , de sûr c' est que ça ... et les coups de poing de la fin de râclée ... qui étaient si bien festonnés , et qui auraient pu nfe finir que demain , tandis qu' au contraire vous me payez à souper ... et vous me dites des choses .... Enfin Suffit , c' est à la ! vie et àla mort , vous pouvez compter sr ir le Chourineur.- Rodolphe reprit plus froidement , ne /"/ voulant pas laisser deviner l' émotion qu' il ressentait : Es - tu resté long-temps aide éqnarrisseur ? Je crois bien ... D' abord ça avait commencé par mV ictéii * rer d' égorger ces pauvres vieilles bêtes ... après , ca B t' avait amusé ; mais quand j' ai eu dans les environs de seize ans et que ma voix a mué , est -ce qus ça n' est -pas devenu p sur moi une rage , une passion que de cho>~ r i BCr ? J' en perdais 1 « boiie et le manger .. , , je ne pe * sa is qu' à ça ! ... Il f Allait me voir au milieu < ? ? l ouvrage a p ar t un vieux pa- atalon de < toile , j' étais tout Ru . < juand , mon grand cou teau bien aiguisé àlam a m , Vivais autour de moi ( je ne me vantes pas ) jusqu à vingt chevaux qui pour •?,Ucs » ' ri i eur tour , tonnerre ! ! quand je i ne , mettais § leségor^ er ) j e ne sais pas ce qui méprenait ... < /était comiao
I ( 1 ) J' ai jeûné